[Transports] – Créer un logiciel métier ferroviaire et fédérer les acteurs en Europe – OSRD et l’association OpenRail – SNCF Réseau
podcast.projets-libres.org/@pr…
Sommaire
- 1 Le logiciel ORSD (Open Source Railway Designer) et l’association OpenRail
- 2 Présentation des invités
- 3 Qu’est-ce qu’OSRD ?
- 4 La licence utilisée dans le projet OSRD
- 5 Les langages utilisés dans OSRD
- 6 La génèse d’OSRD
- 7 L’accès aux algorthimes et aux données
- 8 Les données nécessaires, disponibles et les obligations de publication
- 9 L’équipe d’OSRD
- 10 Le financement d’OSRD
- 11 La gouvernance d’OSRD et la création de l’association OpenRail
- 12 La gouvernance de l’association OpenRail
- 13 Le mot de la fin des invités
- 14 Licence
Le logiciel ORSD (Open Source Railway Designer) et l’association OpenRail
Walid: bienvenue pour ce nouvel épisode de Projets Libres!. Aujourd’hui, on va commencer cette nouvelle série sur les transports, transports et logiciels libres. Après le premier épisode où on a parlé de systèmes de simulation de transport au Canada, cette fois-ci, on va parler de simulation ferroviaire. Et je suis très heureux d’avoir avec moi trois personnes qui vont nous parler d’un sujet que je suis un peu, un logiciel qui s’appelle OSRD (NDLR : Open Source Railway Designer). Donc, c’est trois personnes de la SNCF. J’ai avec moi Céline Durupt, qui est experte Open Data, Yohan Durand, qui est développeur web, et Loïc Hamelin, qui est directeur de projet. Et avec eux, on va parler d’OSRD, on va parler de logiciels libres à la SNCF et aussi de fondations. Vous allez voir, il y a pas mal de sujets, ça va être très intéressant, même pour les gens qui, comme moi, ne sont pas des geeks des ferrovipates. Voilà, vous allez voir, ça va être très bien. Eh bien, écoutez, à tous les trois, bienvenue sur le podcast Projets Libres!.
Loïc: bonjour Walid.
Céline: merci. Bonjour à toutes et à tous.
Yohan: bonjour.
Présentation des invités
Walid: on va commencer par la rituelle présentation. Je vais commencer par vous demander de vous présenter, nous faire un petit peu votre parcours et nous expliquer aussi un petit peu comment vous êtes tombé dans le logiciel libre ou dans l’open data. Céline, à toi l’honneur. Est-ce que tu veux bien commencer, s’il te plaît ?
Céline: bonjour, je m’appelle Céline Durupt. Je travaille sur des projets liés à l’open data en particulier et aussi à l’open source un peu moins, mais j’aimerais que ce soit un peu plus le cas. Et ça l’est depuis que je travaille sur les projets OSRD. Donc moi, j’ai un parcours de géomaticienne à la base. Donc la géomatique, c’est la science qui s’intéresse à la façon dont on peut manipuler, visualiser, analyser des données géographiques avec des outils informatiques. Et j’ai commencé ma carrière à la SNCF il y a quelques années sur des projets d’abord d’information voyageur, puis maintenant depuis deux ans chez OSRD sur des projets de simulation ferroviaire.
Et dans tous ces projets, j’ai travaillé sur la façon dont on pouvait intégrer plus de données open data et en particulier des données ouvertes géographiques et encore plus en particulier les données de la base OpenStreetMap qui, pour celles et ceux qui ne connaissent pas, est une base de données géographiques ouvertes et collaboratives, c’est-à-dire un peu comme Wikipédia que chacun et chacune peut aller ajouter, modifier, compléter des informations de la base et cette base est extrêmement complète et précise, et elle est une opportunité très intéressante pour plein d’usages que je pourrais détailler dans la suite de nos échanges. Donc, je travaille à la SNCF pour accompagner les équipes qui ont des besoins de données et les sensibiliser au sujet de l’open data et les aider à consommer de la donnée open data. Voilà, je détaillerai plus tard sur OSRD ce que ça veut dire.
Et puis, sur la partie logiciel libre, c’est toujours quelque chose qui m’a attirée, qui m’a intéressée. En géomatique, on a un très gros logiciel libre qui s’appelle QGIS, que vous connaissez peut-être. C’est vraiment un domaine dans lequel il y a une rivalité entre la communauté du libre et un très gros éditeur que je ne citerai pas qui édite un logiciel concurrent. C’est un domaine dans lequel on a vite l’occasion de constater à quel point c’est intéressant de contribuer à des projets libres et collaboratifs plutôt que consommer des logiciels propriétaires. Ça m’a attirée vers ces sujets dès mes études et je suis contente d’avoir pu les continuer à la SNCF.
Céline Durupt – FOSDEM 2023 (source : site ORSD)
Walid: super. Alors, deux précisions. La première, c’est que je mettrai dans la transcription un lien vers ta conférence que tu as donnée au FOSDEM dans la track Transport en 2023. Conférence très intéressante. Et le deuxième, c’est que pour les seuls et ceux qui veulent en savoir plus sur OpenStreetMap, je vous invite à aller voir l’épisode que j’ai fait avec Christian Quest il n’y a pas très longtemps. Et on fait une introduction à OpenStreetMap, donc voilà, ça sera tout à fait approprié. Yohan, de ton côté, s’il te plaît, est-ce que tu veux bien te présenter ?
Yohan: oui, du coup, Yohan Durand, 20 ans bientôt de bons loyaux services à la SNCF. Je n’ai pas toujours été développeur, j’ai fait pas mal de métiers, dont celui de conducteur de train. J’ai, par souci de santé, j’ai dû me reconvertir et j’ai choisi notamment le développement, par passion de base, par passion pour cet univers. Etant donné que j’ai toujours eu une forte appétence pour le libre et l’open source, ça s’est fait assez naturellement, mon approche vers OSRD. Et à force de discussion, j’ai intégré le projet. Je suis développeur front-end dans OSRD, je m’occupe essentiellement de la représentation et de l’intégration. Depuis quelques temps, je suis plutôt spécialisé sur les graphiques et sur les tests end-to-end (NDLR : tests de bout en bout).
Walid: et voilà. Super, merci. Pour finir, Loïc, est-ce que tu veux bien te présenter ?
Loïc: moi, je suis Loïc Hamelin, je suis responsable du programme et à l’origine même de la création du projet, il y a 2000 ans. Moi, j’ai commencé à la SNCF il y a 26 ans maintenant, comme conducteur de train, comme Yohan. Puis, j’ai eu la chance de pouvoir reprendre des études et j’ai fait des études notamment en partie d’informatique. Ce qui m’a permis de voir les enjeux des systèmes d’information et du développement logiciel. Avec l’expérience opérationnelle, je me suis vite rendu compte qu’on n’avait pas forcément tous les outils nécessaires pour aider à la gestion opérationnelle en cas de situation perturbée et pour aider à la prise de décision pour réguler le trafic. Grâce à d’autres expériences professionnelles, notamment filiales chez Systra, où j’ai fait des études d’exploitation et j’ai utilisé des logiciels de simulation, j’ai vu qu’il y avait un potentiel sur ces logiciels qu’on pouvait développer en propre et l’utiliser par la suite pour aider à la prise de décision en opérationnel, pour aider à la résolution de situations perturbées.
Et après, pourquoi OSRD en open source ? Au début, c’est quelque chose qu’on m’a dit de faire. C’est mon responsable de l’époque qui m’a dit « ok, tu veux faire un simulateur, tu le fais en open source ». Et ça s’est arrêté là. Et en fait, maintenant, c’est dans les gènes du projet. Je ne vois pas comment OSRD ne pourrait ne pas être open source, tellement ça a du sens dans notre cas, d’être transparent sur les simulations pour expliquer pourquoi on fait ces choix d’investissement, par exemple, parce que c’est à ça que servent les simulations. Ça conduit souvent à des choix d’investissement lourds sur le réseau, ou de matériel roulant, ou plein de choses. Mais comme derrière, il y a énormément d’argent public en jeu, il faut que les outils qui ont conduit à la décision soient aussi clairs que le résultat.Loïc Hamelin
Et donc, c’est intrinsèquement, en un seul mot, OSRD doit être open source puisqu’il doit être auditable, puisqu’on doit avoir confiance. Et puisque c’est un outil qui doit être commun aussi pour aider à partager les résultats, mais aussi aider le système ferroviaire dans son ensemble à avoir une base commune pour éviter les problèmes d’interopérabilité des SI (NDLR : systèmes d’informations), les problèmes de modèles de données qui sont complètement différents et surtout qu’ils soient capables pour nous, pour le ferroviaire, de simuler à l’échelle européenne pour rendre le train compétitif par rapport à la route ou à l’avion.
Walid: ce que je n’ai pas précisé tout à l’heure, j’ai parlé de SNCF, donc vous, vous travaillez pour SNCF Réseau, donc le gestionnaire d’infrastructures. (NDLR : l’organigramme du groupe SNCF)
Loïc: SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructures, oui. On est dans une direction qui s’appelle la Direction Générale de l’Exploitation et dans une entité qui s’occupe de la digitalisation des métiers de l’exploitation. Donc, justement, fournir aux opérateurs ou fournir aux chargés d’études des outils numériques modernes pour aider à améliorer le ferroviaire ou à promouvoir le ferroviaire.
Qu’est-ce qu’OSRD ?
Walid: très bien. La première chose qu’on peut faire maintenant, c’est commencer par définir pour les auditrices et les auditeurs qui ne connaissent pas ce domaine, qu’est-ce qu’OSRD en fait ? Qu’est-ce que c’est et à quoi ça sert ?
Yohan: qu’est-ce qu’OSRD ? OSRD, moi j’aime bien, quand j’en parle, dire que si je me retrouve dans un pays où il n’y a rien, il n’y a pas un rail, il n’y a pas un train, il n’y a que dalle, on peut décider de tracer, via notre éditeur, le système, rajouter une signalisation, créer des trains, les faire rouler sur ce système. Créer des sillons de dernière minute, au dernier moment ou selon une temporalité, décider qu’entre deux trains prévus dans une grille horaire, on va pouvoir balancer un train au milieu, faire en sorte que ça matche, qu’il passe, qu’il s’arrête au bon endroit, qu’il arrive à destination dans une échelle de temps acceptable.
Du coup, OSRD, c’est un simulateur complet de design ferroviaire, comme son nom l’indique, où on va pouvoir gérer notre infrastructure finement, dans le détail, créer le grille horaire sur les temporalités qu’on souhaite, dans les endroits qu’on souhaite, créer le site en dernière minute et éditer tous nos trains, tous nos matériels roulants. Tout ça basé sur des outils open source, donc OpenStreetMap, comme on en parle, pour la visualisation. On était sur D3JS jusqu’ici, donc une librairie open source pour tracer des graphiques.Yohan Durand
Maintenant, on utilise nos propres méthodes. Est-ce que quelqu’un aurait quelque chose à rajouter ?
Loïc: moi, je vais compléter. En gros, l’ambition d’OSRD, c’est d’être vraiment le jumeau numérique de l’exploitation ferroviaire, à la fois dans la partie théorique, c’est-à-dire avant la circulation des trains, mais aussi un jour, à plus long terme, du fait d’être ce jumeau numérique aidé à les opérateurs à prendre des décisions.
Et notamment, comme le disait Yohan, il y a une partie qui est très proche de l’opérationnel, c’est trouver un chemin dans l’espace et dans le temps pour des trains qui auraient besoin de circuler une semaine avant le jour de circulation. Le ferroviaire, ce n’est pas comme la voiture, on ne décide pas qu’on va rouler dans une heure, ce n’est pas possible. Tout est planifié des années à l’avance. Donc pour les sillons de dernière minute, pour les trains qui vont circuler à la dernière minute, on va avoir besoin d’outils spécifiques pour faire ça. Et actuellement, c’est plutôt fait à la main. C’est par des experts métiers. Et on a besoin d’être encore meilleur pour favoriser le fret ferroviaire, encore une fois, vis-à-vis de la route.Loïc Hamelin
La licence utilisée dans le projet OSRD
Walid: avant de rentrer dans la genèse d’OSRD, juste après, quelle est la licence ou les licences qui sont utilisées, que vous avez utilisées pour le code d’OSRD ?
Loïc: alors nous, on est sous LGPL V3. On a choisi cette licence-là en partie parce qu’on veut de notre côté pouvoir garder des parties propriétaires. Si on a des algorithmes intelligents qu’on ne veut pas forcément partager, on veut pouvoir les garder propriétaires. Ça, c’est une première raison. La deuxième raison, c’est aussi qu’il y a des éditeurs de logiciels et on ne veut pas les tuer. On veut juste se mettre d’accord sur un socle commun et qu’ils fassent du business avec les parties qu’ils ont développées eux-mêmes. S’ils font des trucs intelligents, il n’y a aucun problème pour qu’ils les gardent pour eux et qu’ils fassent du business avec.
Mais le socle commun qui permet à tout le monde d’échanger, d’être d’accord sur les résultats de calcul, vraiment sur le socle de simulation du système ferroviaire, ça, on veut vraiment que ce soit quelque chose d’universel, mais de vraiment partagé au moins à l’échelle de l’Europe.Loïc Hamelin
Walid: la LGPL permet d’embarquer du code libre dans des outils propriétaires.
Loïc: oui, mais en revanche, si quelqu’un de l’extérieur qui a développé ses propres modules qui gardent propriétaires, qui veut modifier le cœur ou corriger le cœur de la partie libre, il est obligé de la partager à tout le monde. Donc, normalement, c’est gagnant-gagnant.
Les langages utilisés dans OSRD
Walid: tout à fait. Quels sont les langages que vous utilisez à l’intérieur de OSRD ?
Yohan: si on part de la partie back-end, on va avoir une partie en Rust pour la gestion des endpoints, et une partie en Kotlin pour ce qui est le cœur du calcul. On va avoir un petit peu de Python pour nos batteries de test notamment, pour la gestion de la donnée. On va avoir donc sur la partie front, du React, TypeScript, avec tout un paquet de librairies qui s’y ajoutent.
Walid: ok, donc c’est du Rust, il n’y a pas de C / C++ quoi ?
Yohan: non, là en l’occurrence le choix a été fait sur Rust.
La génèse d’OSRD
Walid: ok, parlons un peu de la genèse d’OSRD. J’aimerais bien comprendre le cheminement qui mène à la création d’OSRD. C’est-à-dire au moment où c’est créé, quel est un peu le panorama des différentes solutions ? Qu’est-ce qui fait que vous en arrivez à vous dire « Ok, on va créer notre propre produit libre pour faire ça » ?
Loïc: la décision a été prise réellement en 2019 par le COMEX de SNCF Réseau (NDLR : Comité exécutif), de dire : on va développer notre propre solution.
On était et on est encore aujourd’hui tributaires de produits du marché qui ne communiquent pas entre eux, qui agissent comme des boîtes noires, qui fonctionnent comme des boîtes noires, sur lesquelles, comme je disais tout à l’heure, on prend des décisions d’investissement qui sont extrêmement importantes.Loïc Hamelin
À SNCF Réseau ou dans le ferroviaire, le cœur de ces logiciels, c’est le calcul de marche. Le calcul de marche, ça nous permet, en décrivant le matériel roulant et l’infrastructure, de dire « si un train part à 12h04 de Paris-Lyon, il arrivera à 14h09 à Lyon-Par-Dieu« . On le calcule, ce n’est pas un hasard, tout ça, c’est calculé. L’algorithme est assez simple, c’est de la physique de Newton, MA égale somme des forces, et puis après on fait de l’intégration numérique. C’est un peu plus compliqué que ça à mettre en œuvre. Il n’y a pas de secret industriel derrière ce truc-là. Et cet algorithme de calcul de marche, nous on en a beaucoup, plusieurs, on va dire, à SNCF Réseau ou à SNCF. Et on a des fournisseurs qui utilisent d’autres logiciels, qui utilisent leur propre algorithme de calcul de marche, alors que c’est ultra stratégique. Parce que du temps de parcours, on va pouvoir savoir si on peut rajouter plus de trains sur une ligne, donc plus de capacités consommées ou plus de voyageurs transportés ou de marchandises transportées. Donc, avoir plusieurs boîtes noires qu’on n’explique pas et qui donnent des résultats différents, ce n’était pas acceptable. Donc, la décision, ça a été de dire : nous, on avait une petite expérience de simulation, on avait fait des prototypes, on savait que c’était faisable. Et donc, quand on a présenté ça au COMEX Réseau en mai 2019, la décision a été parmi d’autres, mais ça a été de dire : « ok, on lance le développement de notre propre outil de simulation ». Il a fallu du temps pour le mettre en œuvre, parce que c’est quelque chose qui demande des compétences de développement et des budgets.
Walid: quand tu dis « on », c’est qui ?
Loïc: on, c’est les personnes avec qui j’étais à l’époque. On était deux au tout début. Il y avait moi qui avait proposé, il y avait une deuxième personne qu’on a embauchée pour une physicienne, Juliana, pour ne pas la citer, qui est venue avec moi dans l’équipe pour faire les premières lignes de code en 2019. Et puis après, on est resté deux ans un très petit groupe et on avait déjà publié du code, qui était ce qui était, mais on n’était pas non plus un éditeur logiciel pour faire ça.
On a eu la chance de bénéficier de subventions européennes, ce qui nous a permis de structurer une équipe, vraiment, de recruter beaucoup, et de développer vraiment la solution OSRD telle qu’elle est actuellement. On l’a commencée en gros il y a trois ans, vraiment le gros développement. On est passé d’abord de 4 à 8 et puis maintenant on est 50 en gros. Donc, on développe la solution OSRD en interne, alors quand je dis en interne, c’est une équipe intégrée dans les bureaux dee SNCF Réseau. Il y a des gens du SNCF groupe, il y a des gens des prestations diverses, il y a des freelances (NDLR : indépendants), il y a des gens en portage (NDLR : portage salarial), il y a tout plein de profils qui sont avec nous, mais qui sont intégrés comme une équipe d’une cinquantaine de personnes.
L’accès aux algorthimes et aux données
Walid: c’est quelque chose qui revient souvent dans le premier épisode que j’ai fait sur le sujet des transports avec l’équipe de Transition, donc qui, eux, c’est des Québécois, ils travaillent à Polytechnique Montréal. En gros, ils disaient à peu près la même chose : on prend des logiciels, ils font des calculs, on n’arrive jamais à trouver le même résultat et on doit engager des dépenses là-dessus. Eux aussi, ils disaient un autre truc qui est : on forme des gens sur des logiciels propriétaires alors qu’on pourrait les former sur des logiciels qu’on maîtrise et qu’on est capable d’expliquer. C’est un sujet assez récurrent, l’accès aux algorithmes et l’accès aux données.
Loïc: c’est clairement ce qui nous a menés, outre le fait qu’on veut favoriser le train, outre le fait qu’on veut de l’explicabilité, de tout ça. C’est vraiment de comprendre ce qui se passe. Le premier besoin, c’est de comprendre ce qui se passe dans les logiciels. Et donc, quoi de mieux que d’avoir accès au code, voire même d’avoir développé le code.
Walid: et là, OSRD, il est utilisé principalement par SNCF Réseau ou alors aussi les autres entités du groupe l’utilisent pour certains besoins propres ?
Source : osrd.fr/en/about/use-case/
Loïc: alors, sur la partie sillon de dernière minute, on l’a ouvert aujourd’hui. Vraiment, ce n’est pas une blague. On l’a ouvert aujourd’hui aux premières entreprises ferroviaires fret pour une période de test parce que c’est le premier lancement. On l’utilise aussi pour les simulations depuis un petit moment, mais plutôt avec des bêta-testeurs, on va dire. On n’est pas aboutis, même si ça fait trois ans qu’on travaille dessus. C’est un logiciel qui est tellement complexe, qui demande beaucoup de développement et le développement, ça prend du temps… et qui est très ambitieux, encore une fois. Donc, on a déjà des premiers cas d’utilisation réels à SNCF Réseau. Donc, il va y avoir des utilisateurs clients, notamment comme les entreprises ferroviaires (EF), à partir d’aujourd’hui. Et il est possible qu’une autre, ce sera une entreprise ferroviaire européenne, l’utilise. Ils vont faire des premiers tests à partir de… on les voit la semaine prochaine aussi. Il est possible que ça commence à se diffuser dans l’Europe. Et puis, on collabore aussi avec les Suisses. Je ne sais pas si tu avais l’information. Je pense qu’on en a déjà parlé.
Walid: oui, tu en as parlé dans la conférence que tu as donnée à Open Source Experience sur les fondations métiers avec Amel Charleux.
youtube.com/watch?v=x-pV4oHD0h…
Loïc: Amel, oui. Donc, franchement, ils ne vont pas utiliser notre solution, mais il y a une collaboration avec les chemins de fer suisses qui est très intéressante, qui a apporté de la valeur pour nous dans le logiciel. Nous, on fait des développements pour eux. Donc, normalement, tout le monde y gagne. Donc, c’est une autre forme d’utilisation de l’OSRD ou de l’équipe OSRD ou de la capacité de développement d’OSRD.
Walid: avant qu’on passe à la partie suivante, quand vous allez devant le comité exécutif de SNCF Réseau et que vous pitchez ce projet, dès le départ, il y a l’idée de se dire : on fait une plateforme commune européenne. C’est quelque chose qui était là dès le départ ou c’est une ambition qui s’est révélée plus tard ?
Loïc: non, ce que j’ai proposé au COMEX, c’est vraiment d’avoir notre propre outil de simulation. Après, il y a une infinité une façon de le développer. On aurait pu faire un client lourd, on a fait un client web. On aurait pu faire un truc centré sur la France. On aurait pu faire un outil propriétaire. Tout ça, après, c’est des choix qui arrivent par la suite.
Moi, j’avais quand même l’ambition long terme de l’ouvrir au maximum. Il nous fallait aussi un espace neutre pour mettre cet outil. Si on veut qu’il soit réutilisé par d’autres entreprises ferroviaires ou d’autres gestionnaires d’infrastructures, il ne fallait pas que ce soit un outil purement SNCF. Il fallait le mettre dans un espace neutre et qu’il y ait une gouvernance partagée ou une gouvernance claire aussi sur ce logiciel-là. Et c’est comme ça qu’on en arrive à Open Rail après.Loïc Hamelin
Les données nécessaires, disponibles et les obligations de publication
Walid: oui, on va en parler après de la fondation Open Rail. Le sujet suivant que j’aimerais aborder, c’est le sujet des données. Parce que pour un simulateur, il faut des données. En fait, ce que j’aimerais comprendre, c’est quand vous commencez le projet, de quelles données vous disposez, de quelles sources de données, et donc comment vous vous en servez et comment vous contribuez aussi justement à l’enrichissement de ces données, à la fois données publiques ou vos référentiels en interne. En fait, en gros, un peu comment ça s’organise, Céline ?
Céline: alors, pour fonctionner, OSRD a besoin de trois types de données différentes. D’abord, des données qui permettent de décrire l’infrastructure. L’infrastructure du réseau ferroviaire, ça va être où sont les voies, donc les rails, où sont les signaux ferroviaires, où sont les gares, où sont tous les éléments qu’on a besoin de connaître pour savoir l’origine et la destination des trains qu’on va vouloir tracer, mais aussi tous les éléments qui vont impacter le calcul de marche, dont parlait Loïc tout à l’heure, donc les déclivités, les systèmes de signalisation, les limites de vitesse, etc. Tous ces éléments. Je vais d’abord présenter les trois types de données, et ensuite j’expliquerai les différentes sources qu’on a. Premier type de données, les données d’infrastructure. Deuxième type de données, les données de matériel roulant. Là, on va décrire l’ensemble des matériels qui peuvent circuler sur les voies, donc des locomotives, des automoteurs et les wagons qu’on peut y attacher. Pour ces données, on va avoir des informations de modélisation physique, telles que leur poids, leur longueur, leur puissance de traction et de freinage, leur compatibilité avec l’infrastructure également. Par exemple, quel système de signalisation elles supportent, quel est leur gabarit, est-ce que ce gabarit est compatible avec ce type d’infrastructure. Et enfin, le troisième type de données dont on a besoin pour OSRD, c’est les données de grille horaire, donc savoir quels sont tous les autres trains qui sont déjà planifiés sur le réseau, pour la fonctionnalité qui permet d’ajouter un train, de pouvoir savoir quels sont les trains déjà prévus et comment le train qu’on veut ajouter ne va pas perturber tous ces trains qui sont déjà prévus. Et donc ces données de grille horaire vont être composées d’un identifiant de train et puis de l’ensemble des horaires de passage à chacun des points de passage de ce train.
Donc trois types de données : infrastructure, matériel roulant et horaire. Pour ces trois types de données, actuellement pour les usages internes de SNCF Réseau, on consomme des référentiels internes. Je ne vais pas aller dans le détail de ces référentiels, je ne pense pas que ça intéressera les auditeurs et les auditrices. Mais on s’est aussi penché sur la façon dont on pourrait accéder à ces données avec des données open data, et ce pour plusieurs cas d’usage, notamment celui d’avoir une version publique de OSRD qui puisse être testée par les personnes qui sont intéressées, et aussi par celui de pouvoir collaborer avec des personnes en dehors de SNCF Réseau, que ce soit des entreprises ferroviaires, des laboratoires de recherche ou des entreprises qui voudraient développer des fonctionnalités pour compléter OSRD, comme le mentionnait Loïc tout à l’heure, ou pour tout autre cas d’usage qu’on pourrait imaginer. Du coup, pour répondre à ces besoins d’open data, on ne va pas avoir les mêmes réponses selon les types de données.
Pour les données d’infrastructure, on a une première piste qui est d’utiliser les données d’OpenStreetMap. C’est la présentation que j’avais faite au FOSDEM il y a deux ans. La limite, c’est que les données OpenStreetMap sont assez différentes selon les pays. Donc, on a fait une première version qui fonctionne assez bien. Elle n’est pas 100% complète, mais elle est fonctionnelle sur l’Allemagne, qui est le pays où on a trouvé les données OpenStreetMap les plus complètes. Malheureusement pour la France, les données OpenStreetMap ne sont pas complètes pour le moment, notamment parce qu’il nous manque des informations sur la signalisation.Céline Durupt
Du coup, on s’est dit que ça pourrait être intéressant de compléter ces données avec les données de l’Open Data SNCF, puisqu’il y a pas mal de jeux de données qui sont en open data sur le site de la SNCF que vous pouvez aller consulter. Mais malheureusement, il n’y a pas toutes les données dont on aurait besoin pour OSRD qui sont 100% en open data. Donc, on fait des démarches internes pour essayer de publier ces jeux de données de manière à pouvoir les compléter. Mais c’est des dynamiques qui sont assez complexes et assez lentes. Donc, j’espère qu’on y arrivera un jour, mais c’est difficile de mettre une date de publication sur ces données pour le moment. Ça dépend vraiment beaucoup des dynamiques internes politiques par rapport à ces sujets. Parfois, on est dans des phases plutôt ouvertes où on va publier plein de nouvelles données. Ensuite, parfois, il va y avoir des phases de recul où on va dire, finalement, ce n’est pas bien de faire de l’open data. On va arrêter de publier des nouveaux jeux de données. Puis ensuite, peut-être que ça repart dans l’autre sens. C’est assez difficile de comprendre exactement pourquoi et comment il y a ces vagues. Mais tu veux compléter là-dessus Loïc ?
Loïc: on a aussi des obligations de publication de jeux de données au niveau européen notamment. C’est encore moins complet que ce que Céline décrit, mais j’ai bon espoir que dans le futur on ait suffisamment de données à l’échelle européenne pour nous permettre de brancher OSRD sur une infrastructure européenne.
Walid: c’est des obligations européennes ?
Loïc: oui, ça s’appelle le référentiel d’infrastructure, le RINF (NDLR : en anglais Registers of Infrastructure). Petit à petit, l’Europe oblige les gestionnaires d’infrastructures à publier des données. Ça va progressivement. D’abord, le schéma des lignes, ensuite les points remarquables qui sont sur les lignes, et puis après, on fera les voies, puis après, plein d’autres données pour nous arriver à avoir une infrastructure fonctionnelle à l’échelle de l’Europe.
Walid: c’est un travail de très longue haleine, à l’échelle de l’Europe.
Loïc: oui, à l’échelle de l’Europe, c’est de très longue haleine. C’est un travail de négociation, j’imagine, entre les gestionnaires d’infrastructures et l’Europe. On n’a pas tous des données du même niveau de qualité, donc forcément, il y en a qui sont plus avancés que d’autres. Voilà, donc c’est l’harmonisation à l’échelle de l’Europe qui est assez complexe.
Céline: pour résumer les données d’infrastructures, pour le moment, c’est compliqué, mais OpenStreetMap, c’est super riche, ça marche déjà sur certains pays et on a bon espoir de pouvoir continuer d’enrichir ça dans les années à venir, soit via OpenStreetMap, soit via une politique d’open data du groupe SNCF, soit via des contraintes légales européennes que citait Loïc. Ensuite, sur les données horaires, il y a déjà une partie des données horaires qui sont en open data, pareil, mises à disposition par SNCF. Malheureusement, ça ne contient pas l’intégralité des trains, notamment ça ne contient pas tous les trains de fret qui ne sont pas publics. Mais bon, ça, j’avoue que je ne sais pas du tout si ça a vocation à être élargi dans les années à venir, mais il y a déjà une très bonne base de travail. Et enfin, sur les dernières données dont on a besoin, donc les données de matériel roulant, là, ce sont des données qui sont assez sensibles puisqu’elles appartiennent aux entreprises ferroviaires et aux constructeurs de matériel, donc on ne peut pas les publier telles quelles. Mais par contre, on a un projet qui devrait aboutir très prochainement, en tout cas dans le début de cette année 2025, qui est de publier des matériels roulants factices, mais qui ont des caractéristiques physiques cohérentes. Ce n’est pas un TGV en particulier, mais ça va être un train à grande vitesse qui pourrait être n’importe lequel des TGV ou autre train à grande vitesse d’un autre pays et qui pourrait être utilisé pour tracer des trains à grande vitesse sur OSRD. Et ainsi d’avoir un modèle open data de chacun des types de matériel roulant principaux.
Walid: et vous, vous collaborez, est-ce que vous contribuez d’une manière ou d’une autre en tant que SNCF Réseau sur OpenStreetMap ? Vous avez aussi des contacts avec d’autres entités qui pourraient, je pense en particulier, il y avait une conférence State of the Map cette année des gens de SNCF Voyageurs qui expliquaient comment ils contribuaient aussi, je crois, sur des données de gare (NDLR : en fait c’est AREP, voir OSerM : cartographier les gares aujourd’hui pour les améliorer demain). Je voulais savoir si vous aviez des contacts ou si vous étiez dépendant de leurs données aussi d’une manière ou d’une autre.
Céline: alors oui, il y a plusieurs services de SNCF au sens large qui sont intéressés par les données OpenStreetMap, qui les consomment et qui les enrichissent pour pas mal de cas d’usages différents. Je ne veux pas tous les citer, mais on est en contact en interne pour partager sur ces sujets. Ça ne se recouvre pas toujours exactement. Par exemple, les données de gares qui sont collectées dans OpenStreetMap par Transilien, nous, on n’en a pas besoin pour OSRD, parce que ce qui nous intéresse, c’est plutôt la description du réseau ferroviaire et pas spécialement des gares. Mais par contre, c’est vrai qu’il y a un intérêt commun sur ces données. Et c’est vrai qu’on a notre petite communauté OpenStreetMap interne SNCF pour collaborer sur ces sujets, pour se donner des informations aussi sur la façon de consommer les données, sur les entreprises avec lesquelles on peut travailler aussi pour nous accompagner dans ces sujets. J’en profite pour faire de la pub pour la Fédération des pros d’OSM. Si ce sujet vous intéresse, vous pouvez aller voir leur site. C’est une fédération d’entreprises qui connaissent très bien OSM et qui peuvent accompagner sur des projets soit de collecte de données, soit d’utilisation de données ouvertes. Voilà.
Walid: je vais mettre un lien vers une conférence récente (NDLR : voir cette conférence de présentation de FPOSM lors de la conférence AlpOSS). Je ne sais plus dans quel salon, justement, il présente la Fédération des pros d’OSM. C’est un sujet très intéressant aussi. C’est vraiment un enjeu qui revient dans plein de domaines différents et d’avoir un commun et de pouvoir l’enrichir et en prendre soin et faire en sorte que ça contribue à tout le monde. C’est intéressant aussi parce que dans l’épisode sur OpenStreetMap, Christian Quest, il dit qu’effectivement, le pays numéro un pour la cartographie dans OpenStreetMap, c’est l’Allemagne. Donc effectivement, ça confirme bien.
Walid: et si je peux ajouter quelque chose, pas spécifiquement sur… enfin, en fait, ça a aussi un rapport avec l’open data, mais sur les données en général.
On a un très gros enjeu sur la qualité des données. Et c’est quelque chose qui est très difficile à évaluer et à faire évoluer. Du coup, je pense que l’open data est une opportunité pour mettre en commun nos efforts de mise en qualité des données et pour permettre une évaluation critique par n’importe quel réutilisateur ou réutilisatrice de ces données. Là-dessus, c’est une des grandes forces de la donnée ouverte et collaborative, qui permet d’aboutir à une meilleure qualité que de la donnée interne, qui a forcément moins de réutilisateurs et donc moins de personnes qui vont être capable d’alerter s’il y a des problèmes de qualité.Céline Durupt
Loïc: et si on a un jeu de données ouvert, ça permet de toucher plus de monde aussi. C’est-à-dire qu’il y aura plus d’utilisateurs de OSRD avec un jeu de données ouvert ? Et Céline a parlé tout à l’heure, il y a des gens qui font des choses très bien en recherche pour le ferroviaire, dans des labos, et qui n’ont pas accès ni au logiciel, ni aux données de description d’infrastructures. Et si on arrive à leur fournir et logiciels, et algorithmes, et jeux de données, ils pourront apporter leur contribution à l’amélioration du système ferroviaire. Et c’est super intéressant parce qu’ils travaillent avec leurs moyens dans leurs labos et malheureusement, on n’arrive pas à capter la valeur qu’ils produisent eux, alors que tout le système ferroviaire devrait en bénéficier.
Walid: vous avez déjà présenté votre travail justement dans certains labos ?
Loïc: oui, on travaille… On a des contacts avec deux labos en particulier. C’est Gustave Eiffel à Lille, l’université Gustave Eiffel, et puis avec l’UTC à Compiègne. On échange aussi avec l’école Centrale. La communauté recherche ferroviaire est assez active, donc on a souvent des interactions.
L’équipe d’OSRD
Walid: sujet suivant, je voudrais qu’on parle de l’équipe. Quels sont les différents profils qu’on trouve dans l’équipe ? Comment ils en arrivent à venir travailler sur cet outil. Là, tu as dit tout à l’heure, Loïc, qu’il y avait à peu près une trentaine de personnes qui travaillent dessus. Donc, quel profil on va retrouver dans l’équipe ?
Loïc: on est 50.
Walid: ah, 50, pardon.
Loïc: 51, 2, 3, 4. Honnêtement, je ne sais plus, je suis désolé. Les profils, ils sont divers et variés. Et je crois que c’est ce qui fait la richesse, d’ailleurs, de cette équipe, c’est d’avoir ces profils divers et variés. C’est-à-dire qu’on n’a pas que des gens issus d’écoles informatiques. Des ingénieurs informaticiens, on en a, c’est clair, des ingénieurs informaticiens très brillants qu’on a recrutés, soit directement en interne SNCF, soit par d’autres dispositifs contractuels, on va dire. Yohan en a parlé, peut-être qu’il expliquera le programme UptoDev de e.SNCF qui a permis un certain nombre de personnels SNCF de se reconvertir dans le développement informatique. Je ne sais plus si on a des autodidactes encore, mais on a des reconvertis, mais pas par la SNCF. On a des physiciens, des physiciennes d’ailleurs. On a un peu tous les profils. Côté UpToDev, si tu veux présenter les gens de l’équipe, Yohan.
Yohan: oui, alors UpToDev, c’était un programme interne de la SNCF, en tout cas de la SNCF Groupe, côté e.SNCF essentiellement.
L’idée, c’était de former quelques centaines de nouveaux développeurs pour des profils en reconversion essentiellement. Double bénéfice pour ça, le premier c’était d’avoir de la main d’œuvre assez rapidement et en plus d’avoir une main d’œuvre qui a une connaissance potentiellement métier déjà, et qui peut apporter cette connaissance dans les développements futurs. Donc on fonctionne un petit peu comme une régie, c’est-à-dire qu’on va être envoyé en mission là où on a besoin de nous, au sein des entreprises SNCF.Yohan Durand
Vraiment là, il y a aussi beaucoup de profils. J’ai fait du commercial au tout début et ensuite j’ai été à l’attraction en tant que producteur de trains. Hier, j’ai fini dans les bureaux en pôle informatique. À côté de ça, j’ai un collègue qui a été aussi conducteur de train, et un autre d’ailleurs qui était au commercial. On a un ancien horariste (NDLR : pour en savoir un peu plus sur les horaires, voir cette conférence de l’espace des sciences de Rennes). Oui, c’est assez varié en soi. Donc on a fait en fait un bootcamp sur sept mois, avec un passage de titre à la fin. Donc c’est sûr que là, Loïc parlait des ingénieurs qui sont arrivés dans le projet en premier. Je ne vais pas mentir, quand on est arrivé, il nous donnait pas mal le vertige quand même. Ils nous donnent d’ailleurs toujours le vertige, mais finalement, en fait, c’est suffisamment de bienveillance dans le projet pour qu’on avance à notre rythme. En tout cas, pour des DED, c’est comme ça.
Walid: deux questions là-dessus. La première, c’est, est-ce que c’est une motivation personnelle de venir travailler sur ce projet-là ou est-ce que c’est Loïc qui vous a trouvé et recruté ? Et la deuxième, c’est, qu’est-ce que ça fait en tant qu’ancien conducteur de train de travailler sur un outil ? Donc, de l’autre côté de la barrière, est-ce que vous aviez connaissance de toutes les implications que ça représentait ?
Yohan: alors, pas du tout. D’ailleurs, en plus, je peux vraiment bien en parler puisque je suis un escroc. Je me suis littéralement invité à la journée de découverte pour être embauché. Non, en fait, l’idée, c’était dans un premier temps, en fin de formation, d’avoir un stage. Du coup, on avait des propositions de stages un petit peu partout, dont OSRD, qui souhaitait promouvoir justement la reconversion aussi. Et quand on est arrivé dans OSRD, tout ce qu’on savait finalement, c’est que c’était un gros projet. Un gros projet chez SNCF Réseau, et qui recherchait potentiellement des profils issus de la traction, donc du métier de la conduite notamment, ou autres, et surtout des profils plutôt full code, non pas low code comme on peut avoir aussi côté DED. Et effectivement, quand on est arrivé à cette journée de découverte et qu’on a vu déjà l’ampleur du projet, ayant un peu de connaissance métier, les gains que ça pouvait apporter, et le challenge aussi, on a été assez séduit directement. Mais avant d’arriver, on ne savait pas encore exactement où mettre les pieds.
Walid : et pour toi, Céline, comment ça s’est passé ?
Céline: alors, pour moi, j’avais fini mon expérience précédente chez Transilien, où j’avais travaillé sur la collecte de données d’un point d’OpenStreetMap pour les gares. Et je recherchais un autre projet pour continuer de travailler. Je n’étais pas forcément attachée à rester à la SNCF, mais j’avais envie de travailler dans un projet qui ait du sens, donc dans une entreprise qui a du sens environnementalement et socialement. Donc, ça m’allait aussi de rester à la SNCF. Et c’était important aussi pour moi de travailler dans le sujet des données ouvertes et la cerise sur le gâteau dans l’open source puisque j’avais essayé sans succès de faire passer en open source le logiciel sur lequel je travaillais chez Transilien mais bon, tout ça est une autre histoire. Donc j’ai rencontré Loïc un peu par hasard je ne sais pas si c’est pas Simon (NDLR : Simon Clavier) d’ailleurs qui nous a mis en relation
Loïc : je ne sais plus si c’est Simon ou Bertrand mais il y en a un des deux qui m’a dit « il y a Céline qui change de poste, il faut que tu la rencontres elle est trop bien ».
Céline : (rires) et du coup, j’ai rencontré Loïc, et il m’a dit « on a des problèmes avec nos données. Est-ce que ça te dit de venir mettre le nez là-dedans et de voir si on pourrait faire plus d’open data » ? Moi, je ne connaissais rien à l’exploitation ferroviaire, mais ça faisait quand même plusieurs années que je travaillais à la SNCF. Donc, je m’étais dit « bon, ça va, je travaillais dans les gares, les trains, ça doit être pareil ». Et en fait, à ma grande surprise, j’avais encore beaucoup de choses à apprendre. Et j’ai effectivement appris beaucoup de choses, beaucoup de nouveaux concepts. dans ce projet. Et puis, j’espère qu’on va faire de plus en plus d’open data. En tout cas, on y travaille.
Loïc: et quand je dis c’est Simon Clavier ou Bertrand Billoud qui m’a présenté Céline, c’est un peu aussi comme ça que ça s’est passé pour un certain nombre d’entre nous. C’est-à-dire, c’est un peu le bouche à oreille, un peu les réseaux qui se mettent en marche. Tiens, j’ai entendu parler de ce projet, c’est intéressant. On a pas mal siphonné les promos de l’EPITA qui sortent des ingénieurs qui sont très solides, des ingénieurs informaticiens. Au début, et puis après, par le biais de rencontres ou de choses comme ça, on a un peu fait de la dentelle, on a recruté un par un. On faisait venir les candidats potentiels, ils passaient une journée avec nous. On ne faisait pas d’entretien d’une heure comme ça se fait habituellement. En fait, les candidats passaient une journée, ils découvraient l’équipe, ils découvraient le projet, on se découvrait ensemble. Et à la fin, soit on décidait de continuer ensemble, soit on arrêtait là. Mais on a aussi, dans le mode de recrutement, on a un peu été innovants de cette façon-là. Parce que moi, j’ai l’impression qu’on ne peut pas se rendre compte de part et d’autre au cours d’un entretien d’une heure de ce qu’est la personne, de ce qu’est le projet, de ce qu’est l’ambiance dans laquelle je vais travailler, les enjeux, tout ça, la technicité ou pas. Pas mal de bouche à oreille, de fonctionnement de réseau, puis une méthode un peu innovante, enfin innovante c’est un bien grand mot, mais le fait juste de passer une journée ensemble, je trouve que c’est vachement bien. Ça a permis d’attraper des candidats qu’on n’aurait pas forcément eus, avec un entretien d’une heure, parce que justement c’est trop formel. En fait ce qu’il faut, c’est plutôt à nous de séduire les développeurs que le développeur de nous séduire.
Donc moi, je préfère être transparent sur ce qu’on va proposer et on essaye d’être le plus transparent possible. Et généralement, ça plaît. Ce qu’a dit Céline aussi, évidemment, ça joue en notre faveur. On a un projet qui a du sens au niveau des transports. Je ne veux pas faire de greenwashing, mais il y a forcément cette idée-là derrière. On fait de l’open source. Ça motive encore plus les développeurs. Donc on est assez attractifs. J’ose l’espérer. Et on a un projet qui, techniquement, est assez intéressant aussi, parce qu’on relève des challenges techniques qui ne sont pas très faciles. Et puis après, on fait marcher les réseaux. Et puis aussi, on est obligé de le dire, les méthodes de recrutement classiques par appel d’offres, on est obligé de compléter l’équipe comme ça.Loïc Hamelin
Céline: si je peux juste ajouter quelque chose à tout ce que vient de dire Loïc, je pense qu’on peut quand même dire qu’on a un taux de turnover (NDLR : rotation de l’emploi) qui est particulièrement faible, surtout pour un projet informatique. Donc là, je pense que c’est aussi une validation de l’intérêt que portent les personnes de l’équipe au projet.
Walid: avant qu’on passe sur la partie financement, ma dernière question, c’est, est-ce qu’OSRD, maintenant, c’est un projet qui est connu ou reconnu à l’intérieur de SNCF Réseau ?
Loïc: je pense que ça commence à être connu. Reconnu, je n’aurais pas cette prétention-là. Il faut qu’on fasse nos preuves encore. Je suis confiant, ça viendra, mais on doit encore faire nos preuves, c’est clair. La mise en production, encore une fois, c’est aujourd’hui, tu vois. Donc sur les études, les premiers utilisateurs, ils ont l’air séduits. Ils savent que c’est un énorme potentiel. Il faut passer du potentiel au réel, au concret. Mais on commence à être connu et je pense que les premiers résultats sont encourageants. Donc j’ose espérer que ça va pour plus.
Le financement d’OSRD
Walid: ça m’amène à la question suivante. On a parlé de la genèse des premiers financements, les financements européens, etc. Ce que j’aimerais bien comprendre, c’est comment vous financez OSRD ? Est-ce qu’OSRD est pour l’instant intégralement financé par SNCF Réseau ? Il y a eu des fonds européens. Est-ce que vous avez d’autres fonds à côté, d’autres ressources financières supplémentaires ? Comment ça se passe ?
Loïc: Réseau contribue au financement d’OSRD, c’est clair. On a candidaté à un programme de financement européen qui s’appelle CEF en 2021, Connecting Europe Facility, ce programme qui nous a fourni une grosse partie du financement. Mais pas seulement, le financement européen doit être adossé à un abondement qui a été donné par le ministère des Transports, en gros. Donc on a aussi un financement de l’État directement sur le projet, donc État, Europe et SNCF Réseau. Ça nous permet donc, oui maintenant, d’être une cinquantaine de personnes. C’est un budget assez conséquent. On est reparti pour un cycle de financement dans le cadre du CEF 24. Donc encore sur le même principe, le même montage financier.
Walid: des cycles longs ?
Loïc: des cycles de trois ans.
Walid: ok, ça permet de voir.
Loïc: ça permet de voir. En trois ans, franchement, on a développé beaucoup. J’ai hâte d’être dans trois ans pour voir où on en sera dans trois ans. C’est des cycles assez longs, mais justement, ça nous permet de nous structurer, de faire des choses cohérentes et de faire des choses sur un assez long terme.
La gouvernance d’OSRD et la création de l’association OpenRail
Walid: j’aimerais qu’on parle de la gouvernance. Là, ça va devenir aussi très intéressant. La gouvernance d’OSRD. On a évoqué au tout départ la fondation OpenRail. On revient un peu dessus pour comprendre le cheminement qui arrive à faire une fondation. Vous partez de l’idée de se dire on va faire un outil, il va être open source, à… il se passe plein de trucs et on arrive à la création d’une fondation européenne. Est-ce que tu peux m’expliquer un peu dans les grandes lignes la pensée, le cheminement qui est arrivé jusque-là ?
Source : OpenRail Association
Loïc: en fait, le cheminement, il est simple. C’est OK, comme je l’ai dit, on m’a dit le projet doit être open source. OK, je le fais open source. Ça sert à quoi l’open source ? Moi, je connaissais open source, mais pas plus que ça. J’ai utilisé des logiciels open source et tout ça. Moi, je ne suis pas un libriste de la première heure. Et j’ai déroulé un petit peu le modèle de l’open source. C’est quoi l’open source ? Comment ça marche ? C’est quoi l’intérêt ? Etc. Et j’en suis arrivé à la conclusion qu’il fallait cet espace neutre. Si je voulais avoir des contributeurs extérieurs, parce que c’était quand même ça aussi le but de le faire en open source, qu’il me fallait un espace neutre. Donc je suis parti d’abord sur l’idée de faire une fondation autour d’OSRD. Puis j’avais pris une stagiaire à l’époque, qui m’aidait justement à trouver un peu le business model (NDLR : modèle économique) de l’open source, et qui est tombée sur une thèse d’une chercheuse de Montpellier que tu connais, qui s’appelle Amel. Donc en 2020, je crois, on a rencontré, on a contacté Amel Charleux de l’Université de Montpellier, qui a fait sa thèse sur les business models de l’open source. Après plusieurs échanges, elle nous dit, peut-être qu’une fondation spécifique à OSRD, ce n’est pas suffisant. Est-ce que tu as regardé les fondations métiers, des choses comme ça ? En parallèle de ça, j’étais en discussion notamment avec Simon Clavier, on faisait le tour des fondations existantes, Eclipse, Linux, Apache, et moi je ne m’y retrouvais pas en fait. Je voyais bien l’intérêt pour les composants informatiques, pour les choses spécifiques, mais moi je viens du métier et je ne me retrouvais pas dans les fondations classiques. Donc moi j’ai un peu poussé cette idée de développer une fondation spécifique autour du ferroviaire.
Dans le groupe de discussion qu’il y avait avec Simon, il y avait les Allemands et les Suisses déjà, qui étaient là. Et moi, j’avais des contacts avec l’Union internationale des chemins de fer, où je me disais, là, il y a 200 adhérents de l’UIC, qui sont des gestionnaires d’infrastructures ou des EF (NDLR : entreprises ferroviaires) à travers le monde, qui représentent un potentiel de contributeurs intéressants pour une fondation métier ferroviaire. Et je suis sûr qu’ils pourraient être intéressés. Donc, on a mis SNCF, DB, SBB et l’UIC autour de la table. Amel nous a aidés à dessiner les premiers statuts, on va dire. Et puis, on a mis, là pour le coup, on a mis, je crois, trois ans à sortir vraiment la fondation. Ça a été un processus itératif. On a travaillé évidemment à distance, un environnement multiculturel, même si c’est l’Europe, ce n’est pas forcément évident. Mais on sort en janvier 2024, le décret royal. C’est une association internationale sans but lucratif, donc AISBL belge, qui crée officiellement l’association OpenRail, parce qu’entre le moment où on commence à déposer les statuts et au moment où ils ont accepté, la loi belge change et on n’a plus le droit de s’appeler fondation, donc on s’appelle association OpenRail.
Walid: on a abordé déjà plusieurs fois le sujet des AISBL, dont la dernière fois sur l’épisode avec Gaël Blondelle sur Eclipse, où il parle justement de ce que c’est une AISBL et pourquoi ils ont choisi ça, etc. C’est assez intéressant de creuser aussi les… Pourquoi en Belgique ? On en parle aussi dans l’épisode sur l’ERP Tryton, aussi sur pourquoi la Belgique et quels sont les statuts et à quoi ça sert. C’est assez intéressant.
Loïc: on va rendre à César ce qui appartient à Gaël. Gaël nous avait présenté Eclipse et l’AISBL et c’est ce qui nous a un peu inspiré dans le choix.
Walid: ce qui est intéressant de tout ça, c’est que vous dites, l’idée de la créer en Belgique, c’est pour avoir un terrain plus neutre. Parce que si c’était en France, potentiellement, c’est associé à SNCF.
Loïc: c’est ça. Et en fait, je crois qu’à l’époque, de toute façon, en France, on ne pouvait pas créer une fondation. Une fondation, c’est très spécifique en France. Il faut verser, je ne sais plus combien, 150 000 euros pour lancer le truc. C’est vraiment très cadré. Et ce qui se fait dans l’open source, c’était les AISBL à l’époque. Moi, je n’avais pas d’a priori là-dessus. L’UIC avait un bureau en Belgique, il y avait quelques facilités à communiquer avec les instances belges. Donc voilà, c’est le choix qui a été fait. Encore une fois, c’est aussi parce que Gaël nous avait parlé que l’Eclipse Europe était une AISBL.
Walid: une de mes questions, c’était justement de savoir, est-ce que le choix de la Belgique était un choix pour se rapprocher des institutions européennes ?
Loïc: non, ce n’est pas ça. C’est pas ce qui a motivé le truc. C’est pas déconnant, mais c’est pas ce qui a motivé le truc.
Walid : ce travail de création de la fondation, c’est du temps de ton travail SNCF Réseau qui est dédié à travailler là-dessus ou c’est quelque chose que vous avez fait à côté ? Enfin, comment ça s’est passé ce temps long à travailler sur le sujet ?
Loïc: alors moi je fais pas 35 heures donc c’était pas dans les 35 heures. Voilà c’est de l’investissement personnel. Je parle pour moi, mais c’est la même chose pour mes collègues européens, ou UIC. C’est quelque chose qu’on a pris en plus à notre compte, à notre charge. Au début, ce n’est pas quelque chose où je vais demander l’autorisation de bosser deux heures par semaine dessus. Ça se fait un peu sous le manteau. Par contre, je tenais au courant de l’avancement de la création de l’association. Pour moi, c’était clair, mais je n’ai pas demandé un temps supplémentaire pour bosser dessus.
La gouvernance de l’association OpenRail
Walid: et dans cette fondation, cette association, comment ça se passe la gouvernance ? Qui est représenté ? C’est des personnes physiques, des personnes morales ? Comment ça se passe ?
Loïc: alors, on a trois niveaux, ou quatre, je ne sais plus, de membres d’adhésion. Donc, on a les membres Platine, Gold, Silver et membres associés. Quatre, c’est ça. Les membres platine, c’est ceux qui ont créé l’association. Il y a sept sièges et il y en a quatre qui ont été à l’origine de la création. Donc, ils ont pris les quatre des sept sièges des membres platine de l’association. Pour chaque siège, c’est un représentant de chaque groupe. C’est-à-dire que pour nous, SNCF, groupe SNCF, en fait, c’est pas Réseau, c’est bien groupe SNCF. C’est Frédéric Novello qui représente le groupe SNCF et qui siège au conseil d’administration de l’association Open Rail. On a Nicole Göbel, qui est la CEO de DB Systel, l’équivalent de la DSI du groupe Deutsche Bahn. On a Jochen Decker, qui est le DSI de CFF/SBB, les chemins de fer suisses. Et on a le directeur financier, notamment, mais pas seulement, le directeur de Jean-Michel Evanghelou, donc de l’UIC, qui représente l’association UIC au conseil d’administration. Après, on a d’autres représentants, chez Infrabel, on a un deputy CEO. On a la DSI depuis trois semaines, on a la DSI de l’ONCF, donc les chemins de fer marocains. Ça, c’est une super nouvelle. C’était mon cadeau de Noël quasiment, que l’OpenRail sorte de l’Europe. Et puis, il y a les membres associés. On a l’association Flatland aussi. Et donc, chaque entité a un représentant. Mais c’est plutôt des entités qui sont membres du conseil d’administration. On n’écarte pas la possibilité de… Je ne veux pas m’avancer, mais il me semble qu’on peut être membre associé de façon individuelle. Honnêtement, je n’ai plus le contenu des statuts en tête, surtout dans tout le détail. Mais il me semblait qu’on pouvait être membre associé individuel.
Walid: donc chaque membre finance par une espèce de cotisation le fonctionnement de l’association.
Loïc: c’est une des raisons qui a poussé à faire notre association aussi et pas utiliser les fondations classiques Linux, Eclipse et Apache. Alors Apache, c’est à part parce que c’est très peu cher. Mais Linux et Eclipse, pour moi, me semblaient vraiment très chers. Le ticket d’entrée était assez élevé. Nous, on a voulu un ticket d’entrée plus bas pour se lancer, parce qu’on ne savait pas où on allait. Donc, selon le niveau de membership (NDLR : adhésion), la cotisation est plus ou moins élevée. Le plus haut, c’est 25 000 euros par an. Je crois que c’est 5 000. Le plus bas, les membres associés, c’est gratuit.
Walid: il n’y a pas de salariés dans cette…
Loïc: non, non, non. Enfin, pas de salariés directement par l’association. Donc ça va nous permettre surtout de travailler la communication, de faire des événements aussi. C’est dans les plans des années qui viennent, de faire des événements OpenRail.
Walid: c’était ma question suivante.
Loïc: voilà. Et aussi éventuellement d’avoir un cloud dédié OpenRail.
Les idées ne manquent pas, il va falloir prioriser. Le but du jeu, ce n’est pas de faire de l’argent, c’est vraiment de coordonner les efforts des différents groupes ou sociétés au développement en commun de communs numériques justement.Loïc Hamelin
Walid: est-ce que ça peut être un lieu d’échange ? Je pense en particulier, par exemple, au niveau des problématiques open data, de pratiques ou de discussions, de contributions, je ne sais pas, je me pose la question.
Loïc: pour l’instant, on a écarté le sujet open data, honnêtement.
Walid: ok.
Loïc: on a un an d’opération. Donc en un an, on a intégré trois nouveaux membres ou quatre nouveaux membres. Quatre nouveaux membres, c’est ça. On a intégré cinq projets, plein d’autres qui arrivent. On se concentre vraiment sur l’open source pour l’instant. L’open data, ça viendra. C’est comme l’a dit Céline, on a les moteurs open source. Si on ne met pas d’essence open data, ça ne sera rien comme résultat. Tu l’as dit mieux, Céline.
Walid: le dernier sujet que je voulais aborder, tu en as un tout petit peu parlé au début, mais j’aimerais bien qu’on développe un tout petit peu. Tu as dit au départ « quand j’ai commencé le projet, on m’a dit tu vas le mettre, ce projet, en libre ». À ce moment-là, au moment où vous commencez, est-ce que vous avez déjà de l’expérience ? Est-ce que SNCF, le groupe ou des entités, ont déjà des projets ou des expériences, des contributions en logiciel libre ? Et sinon, est-ce que SRD est une bonne vitrine ? Est-ce qu’il y a d’autres choses qui se passent à travers ça ?
Loïc: il y a un projet qui s’appelle Tock, qui est un robot conversationnel.
Walid: un chatbot, je mettrai le lien vers la présentation à Open Source Experience.
Loïc: qui est hébergée par l’association TOSIT. C’est toujours les mêmes. C’est Simon Clavier qui est dedans. Donc Tock, ça a une dizaine d’années, je crois. C’est une production de SNCF à la base. Et maintenant, c’est utilisé, adopté et développé par d’autres entreprises qui contribuent. Je ne vais pas les citer parce que je risque de me tromper, mais si tu me dis que tu as un lien…
Walid: oui, j’ai un lien vers la présentation de Open Source Experience, je le mettrai dans la transcription.
Loïc: voilà, donc pour moi, c’est celui qui a le plus d’ancienneté, comme projet développé en interne. Après, on utilise l’open source depuis très longtemps, que ce soit pour les bases de données, mais plus pour des composants logiciels, pour des composants informatiques, mais pas pour des sujets métiers. Je n’ai pas connaissance d’autres logiciels métiers qui aient été développés en interne et qui soient mis en open source. Je peux me tromper, mais je n’ai pas connaissance en tout cas. Si ce n’est TOCK, si on peut considérer que c’est un logiciel métier.
Mais on sent bien que, moi j’ai des échanges en interne avec certains collègues, on sent que c’est dans l’air du temps quand même.
Il y en a pas mal qui se posent des questions sur la mise en open source de leur logiciel, parce qu’ils commencent à avoir l’intérêt industriel. Parce que ça va permettre de comparer des résultats, ça va permettre d’aider à développer plus vite. On ne se pose plus la question des formats de données, des algorithmes, des trucs comme ça. On les prend et puis on les intègre et c’est terminé. Donc au niveau ferroviaire, c’est en train de prendre assez vite.Loïc Hamelin
Walid: il y a une différence entre créer de zéro un logiciel libre et open sourcer un logiciel existant. C’est quand même deux mondes assez différents. Prendre un logiciel existant et le publier, c’est aussi un travail qui est vachement long et qui pose plein de questions sur les projets, les licences, la qualité du code. Puis après, il faut animer la communauté, tout ça. Donc là, ce que je comprends, c’est qu’aussi, OpenRail pourrait être, quelque part, le réceptacle pour certains de ces projets.
Loïc: c’est le cas de trois des autres projets qu’on a intégrés. Ils étaient fermés, ils les ouvrent pour les mettre dans OpenRail, parce que ça a du sens pour eux. Et donc, ils se posent toutes les questions que tu viens de citer, parce que ça n’a pas été pensé comme un logiciel libre ouvert au début. À la différence de ce que nous, on a fait, où on est parti de zéro, on a dit c’est libre, on a mis des développeurs qui connaissaient très bien le milieu de l’open source, donc ont pris les bonnes décisions. Et donc, pour nous, c’était plus facile. On a un deuxième projet qui s’appelle LibLRS, qui est un peu un spin-off d’OSRD, qu’on a détaché d’OSRD et qu’on a commencé en libre aussi, parce qu’on pense que ça a du sens de le détacher d’OSRD, parce qu’il peut être utilisé dans d’autres contextes. C’est une librairie de conversion de coordonnées entre les coordonnées latitude-longitude et ferro-localisation, ligne-voie PK (NDLR : point kilométrique), dans les deux sens. Et donc, ça, ça peut être utilisé aussi pour d’autres gestionnaires de réseau. Donc, c’est pour ça qu’on a voulu le sortir. Et on l’a fait libre de base.
On a un projet qui se crée carrément dans OpenRail. Ça, c’est les Allemands qui ont souhaité lancer un projet dans OpenRail. Et il y a zéro ligne de code pour l’instant. Ça va traiter d’un logiciel qui va aider à la migration des attelages des wagons fret, donc c’est très orienté métier, mais ça a du sens parce que ça va toucher toute l’Europe. Donc pourquoi pas le mettre en open source direct ? Voilà, on a plein de cas, mais tu as raison, commencer ouvert, c’est beaucoup plus simple quand même, à la base.
Céline: je confirme,
Pour avoir essayé de faire passer un logiciel en open source quand j’étais chez Transilien, on n’a pas réussi. En fait, comme on n’a pas réussi à prendre la décision au moment où on a commencé les développements, on s’est dit, on va le faire, mais on ne sait pas trop comment faire, c’est compliqué, il faut choisir des licences, il faut réfléchir à qui animera la communauté, blablabla, donc on le fera plus tard. Au final, le faire plus tard, c’est encore plus compliqué. Donc ne reproduisez pas notre erreur.Céline Durupt
Walid: il y a des gens qui viennent vous voir justement pour discuter de votre expérience à l’intérieur du groupe ?
Loïc: oui, il y en a deux ou trois, un à l’extérieur du groupe. Ils sont venus me voir en disant que la démarche m’intéresse, comment vous avez fait. Voilà, c’est ce que je te disais tout à l’heure. On sent bien que ça bouge et qu’on voit quand même l’intérêt de l’open source pour plein de raisons. Ce n’est pas juste de la conviction de public money, public code. Il n’y a pas que ça. Il y a d’autres choses. Il y a un intérêt vraiment industriel d’avoir du code ouvert. Pour l’efficacité, pour évidemment la réutilisation du code, mais pas seulement l’efficacité dans le développement. Même au quotidien, avoir un code ouvert, ça permet de ne pas se poser de questions. En gros, on sait ce qui se passe. Si ça ne marche pas, on peut regarder directement. Si on voit qu’on veut développer un truc que des collègues ont déjà développé, on ne se pose même plus la question parce que c’est ouvert. Là, actuellement, on est capable, à deux bureaux d’écart, de développer deux fois la même chose. Je ne parle pas spécialement à la SNCF, c’est dans les entreprises en général. Avoir cette démarche d’ouverture du code, ça peut éviter ce genre de problème.
Le mot de la fin des invités
Walid: on arrive à la fin. On a abordé pas mal de sujets. J’aimerais vous laisser à chacun la parole pour un mot de la fin. Si vous avez un message à faire passer, c’est le moment. Céline, à toi l’honneur, est-ce que tu veux faire passer un message ?
Céline: merci beaucoup pour l’invitation. J’espère que notre conversation n’aura pas été trop technique, notamment sur le vocabulaire ferroviaire, c’est souvent la difficulté quand on présente nos sujets. Et puis j’invite tous les auditeurs et les auditrices, si vous êtes intéressés par les sujets OpenData et Open Source à la SNCF, n’hésitez pas à nous contacter. Vous pouvez venir au FOSDEM. Si vous venez au FOSDEM, il y a une grosse partie de l’équipe qui sera là, donc venez nous parler. Sinon, on va parler par les canaux habituels. N’hésitez pas à nous contacter. On est toujours disponibles pour discuter de tous ces sujets. Voilà.
Walid: merci, Yohan, un mot de la fin ?
Yohan: déjà, merci pour le podcast, pour la représentation. Tout ce que je pourrais dire à la rigueur,
je voudrais quand même juste insister sur ce qu’apporte l’open source aussi au niveau humain, dans le sens où intégrer un projet comme ça quand on démarre dans l’activité, c’est que du plus à mon goût. On y rencontre beaucoup de choses, on rencontre beaucoup de gens, on apprend beaucoup de choses. Il y a moins de barrières, du coup. C’est plus simple de s’approprier des concepts qui peuvent paraître brumeux. Je ne peux pas dire plus que Céline. On est aussi sur matrix.org, on a des gens qui viennent nous voir parfois. Il ne faut pas hésiter, et puis contribuez, n’hésitez pas à venir contribuer.Yohan Durand
Walid: Loïc, ton mot de la fin ?
Loïc: d’abord, moi aussi, merci Walid pour l’invitation. C’est un peu inattendu de parler d’OSRD dans un podcast spécialisé dans le logiciel libre, mais c’est un vrai plaisir. Comme mes collègues, n’hésitez pas à venir nous voir au FOSDEM, n’hésitez pas à nous contacter. Je pense que tu mettras les contacts qu’il faut dans la documentation. Que dire de plus ? Moi, je suis extrêmement fier, évidemment, de contribuer à ce projet, parce que je pense que c’est un projet qui a du sens, c’est un projet qui a de l’avenir. Ça fait longtemps que je l’ai en tête, mais ça fait vraiment trois ans qu’on le développe. Je pense qu’on a encore de belles années de développement devant nous et que ça va vraiment aider à la promotion et à l’amélioration du système ferroviaire. Parce que ça, c’est vraiment mes deux objectifs. Et puis, pour ceux qui sont intéressés pour le développement logiciel, je pense que vous avez juste à regarder le code. Vous allez voir la qualité du code d’OSRD, mais des logiciels libres en général. C’est des gens qui sont extrêmement exigeants. Donc, vous allez voir du beau code. Il ne faut pas hésiter à aller regarder et contribuer évidemment, parce qu’on a aussi besoin de vos contributions. Voilà, merci encore pour l’invitation et longue vie à OSRD !
Walid: merci à tous les trois. Je dois avouer que la première fois que j’ai contacté Simon pour lui demander si je pouvais parler d’OpenRail, c’était en 2023. J’étais tout fou, je me suis dit c’est trop bien, il faut en parler. Donc je suis content qu’on puisse aborder le sujet. Je pense que ça sera pas la dernière fois, à mon avis, qu’on en parle parce que c’est vraiment un sujet qui me passionne. Merci à tous les trois d’avoir pris du temps. On va avoir certainement d’autres épisodes sur le transport et le logiciel libre dans les mois à venir. J’ai encore pas mal d’idées. Puis il y a le FOSDEM qui arrive, donc ça m’a encore donné plein d’idées. Merci, à bientôt. Et pour les auditrices et les auditeurs, comme d’habitude, je vous demande juste de partager l’épisode. Et puis, si vous avez des idées ou des remarques, n’hésitez pas à les faire. Le canal principal étant Mastodon. Voilà, bonne soirée et à bientôt pour un nouvel épisode.
Cet épisode a été enregistré le 15 janvier 2025
Licence
Ce podcast est publié sous la licence CC BY-SA 4.0 ou ultérieure.
GitHub - OpenRailAssociation/dac-migration-dss: Decision support system for planning the migration to digital automatic coupler
Decision support system for planning the migration to digital automatic coupler - OpenRailAssociation/dac-migration-dssGitHub
dgdft
in reply to ordinarylove • • •