"En construisant leurs paradis, les ultrariches veulent échapper à toutes les lois et toutes les règles" - La Libre (libertarienne)
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Jeff Bezos se marie dans un déluge de luxe à Venise, Ivanka Trump et son mari achètent une île: les ultrariches exhibent leur richesse sans complexes, en se fichant du sort de la planète. Décryptage de leur mode de fonctionnement avec Dahlia Namian, auteure de "La société de provocation".
Geneviève Simon
Publié le 13-07-2025 à 08h08
Quelque deux cents invités arrivés à Venise à bord de 95 jets privés et 9 yachts pour trois jours de fête : le récent mariage de Jeff Bezos, patron et fondateur d'Amazon, et de Lauren Sanchez, présentatrice télé, a été un étalage de richesse hors normes. Un an plus tôt, Ivanka Trump, la fille du président américain, et son mari s'offraient une île de la Méditerranée. Montant de la transaction : 1 milliard de dollars. Sociologue dont les travaux portent sur la pauvreté et l'exclusion, professeure à l'École de travail social de l'Université d'Ottawa, Dahlia Namian a publié en 2023 La société de provocation dans lequel elle pourfend la démesure et l'exhibitionnisme du 1 % de la population la plus riche de la planète. Elle y analyse aussi les diverses façons dont cette caste nuit à notre planète et à ses habitants.
Le récent mariage de Jeff Bezos a été jugé par certains d'autant plus indécent que son théâtre, Venise, est menacé par le dérèglement climatique. Qu'en avez-vous pensé ?
Ce mariage est effectivement un exemple de ce que j'ai appelé la société de provocation. Ce fut une démonstration, dans toute sa splendeur, de la démesure de la richesse, d'une porno-opulence qui est à son meilleur. On a vécu une démonstration de toute la domination symbolique, économique et culturelle de ce 1 % des plus riches de la planète. Jusqu'à récemment, ils cherchaient plutôt à cacher leur richesse, et leurs mariages se faisaient généralement dans la discrétion. Ce n'est plus du tout le cas : les puissants paradent, et c'est presque une parade militaire. Ce qui constitue un manifeste de l'impunité de la richesse. On est en train de célébrer une phase du capitalisme global qui outrepasse toutes les règles démocratiques. Et on voit là une élite qui a cessé de se justifier, d'essayer de convaincre, et qui dit "on se fout de ce que vous pensez". Peu importent les conséquences sur la planète.
Pendant ce temps, une partie des 99 autres % regarde, captivée. Qu'est-ce qui fascine chez ces ultra-riches ?
Je pense qu'aujourd'hui, on aime les regarder pour les critiquer. Au Québec, il y a une série d'émissions portant sur les hommes les plus riches, qui montrent tous les gadgets qu'ils aiment. On a ainsi vu la quarantaine de Ferrari que possède le magnat de l'immobilier Luc Poirier. Une autre série s'intéresse aux femmes de conjoints ultrariches. On sait que cela fascine, que cela booste l'audience et génère du clic sur le web. Mais je pense que cette fascination est nourrie par la colère. On entend tout de même un discours très critique envers cette oligarchie, surtout depuis la réélection de Donald Trump.
Votre livre emprunte son titre, "La société de provocation", à Romain Gary. Pourquoi ce choix ?
Je trouvais cette expression pertinente pour décrire cet ordre social qui permet, en toute impunité, au 1 % le mieux nanti de se livrer à toutes les formes de provocation, de décomplexer leur richesse, en érigeant leurs excès de consommation presque comme une vertu, en allant à l'encontre des règles élémentaires de la démocratie, au moment où la planète s'enflamme. La nouveauté, c'est qu'on a rarement rencontré aussi peu de résistance : toutes les tentatives concrètes pour freiner cette accumulation extrême de richesse n'aboutissent à rien. On l'a encore vu récemment au sommet du G7 : le seul dispositif de justice fiscale qui existait est tombé à l'eau. Le Canada s'est plié aux demandes de Trump concernant la taxe sur tous les services du style GAFAM. Dans l'Histoire, il y a toujours eu une caste de gens très riches qui concentraient beaucoup de pouvoir, mais la nouveauté c'est que, malgré leurs multiples provocations, il n'y a pas de volonté politique de les freiner. Un autre élément à relever est qu'ils sont plus résilients face aux crises. On l'a vu en 2008, lors de la crise économique mondiale, puis avec le Covid : ils ont perdu un peu d'argent au départ, mais ont très vite retrouvé leur niveau de richesse. Et depuis la pandémie, on constate qu'il progresse encore.
Dans un monde bouleversé par des catastrophes sociales et écologiques sans précédent, les ultrariches essaient de construire leurs propres paradis en empruntant les chemins de la mer.
Dans votre livre, vous évoquez notamment le business des yachts, qui n'a jamais été aussi florissant, avec des bateaux pouvant coûter jusqu'à 600 ou 700 millions de dollars. Selon vous, le superyacht est "le symbole d'une classe dominante et ouverte sur le monde". Une manière, aussi, de s'extraire de la société et de vivre dans sa bulle ?
Effectivement. L'exemple des yachts est parlant, mais on peut aussi parler de leur velléité de se retirer du monde en cherchant à créer des villes privées ou des espaces en mer, tout comme en colonisant l'espace et Mars. Les villes privées promettent aux élus du capitalisme l'éden dont ils rêvent : une espace qui échappe aux contraintes de l'État, avec ses infâmes lois fiscales, ses terribles lois du travail et ses ingrates règles environnementales et civiques. C'est une vision très libertaire où les riches pourraient vivre dans un entre-soi et échapper à toutes les lois et toutes les règles qui découlent des contraintes d'un vivre-ensemble démocratique. C'est assez clair chez Musk et ceux qui le suivent, dans la Silicon Valley ou ailleurs.
Il y a un an, Ivanka Trump a acheté une île albanaise d'exception, Sazan, en pleine Méditerranée. Son projet est d'y construire un complexe hôtelier de luxe, mais on peut aussi penser qu'elle s'offre un espace de repli, disponible en cas de besoin.
Dans un monde bouleversé par des catastrophes sociales et écologiques sans précédent, les ultrariches essaient de construire leurs propres paradis en empruntant les chemins de la mer. Ils cherchent à prendre la fuite et à se retirer du monde de diverses façons. J'écoutais il y a peu une journaliste de The Atlantic qui s'intéresse à eux. Elle expliquait que, pendant la pandémie, ce que les ultrariches avaient détesté plus que tout, c'est de ne plus pouvoir se déplacer. Rester chez eux était quelque chose de presque insupportable. Il existe un champ de la psychologie sociale qui s'intéresse au comportement des élites et qui a analysé le fait que, lorsque les mesures de restrictions liées au Covid sont tombées, le désir de n'en faire qu'à leur tête s'est encore amplifié. C'est un peu la preuve que l'argent achète tout, ce que l'on constate de plus en plus.
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Metnix
in reply to Δρομογράφος • • •... or perhaps we should use tha money to reinvest in public schools and youth centers instead of using them balance our municipalities' budget deficits.🤔
But what do I know...