Colonialisme et décolonisation en Palestine.
Nous reproduisons une interview de l’historien israélien Ilan Pappé(*) réalisé par visio-conférence avec des élèves du Liceo Scientifico ‘Righi’ de Rome. Ces derniers ont publié un livre intitulé « Colonialisme et décolonisation en Palestine ». Ce livre de 100 pages (en italien) peut être téléchargé avec ce lien. Il contient une biographie d’Ilan Pappé, une bibliographie, l’interview en italien et anglais et d’autres textes et articles d’Ilan Pappé, enfin un appendice avec des photos.
Face au génocide auquel nous assistons tristement, impuissants, L’objectif de ce livre est de comprendre et de mieux connaître la question coloniale en Palestine, la lutte pour briser le silence, la censure et la complicité des gouvernements et des institutions. Non seulement en ce qui concerne la Nakba historique, mais aussi ce que les Palestiniens appellent « al nakba al mustamirra » (la Nakba en cours).
(*) Le professeur Ilan Pappé est un historien israélien de renom et un critique de premier plan du colonialisme en Palestine. Il a obtenu son doctorat à Oxford et, après avoir enseigné pendant des années à Haïfa, a été démis de ses fonctions d’enseignant en Israël pour avoir critiqué le sionisme. L’historien a soutenu le boycott d’Israël (même académiquement) et a dû déménager au Royaume-Uni, à l’Université d’Exeter, où il est aujourd’hui professeur d’histoire à l’Institut d’études arabes et islamiques et directeur du Centre européen d’études palestiniennes.
Ilan Pappé est l’un des représentants de la Nouvelle Historiographie Israélienne (6), un courant d’historiens qui a critiqué le récit officiel de l’histoire de l’État d’Israël par rapport au peuple palestinien. Il a documenté la Nakba, le nettoyage ethnique mené par Israël en 1948 contre les Palestiniens, une pratique coloniale longtemps niée ou occultée.
Les questions sont posées par des lycéens italiens a Ilan Pappé
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[Q2] Vous avez écrit que la question israélo-palestinienne a été considérée comme « difficile à comprendre », tant dans le milieu universitaire que dans l’opinion publique mondiale, notamment parce qu’elle a été formulée conceptuellement sur la base des catégories de « guerre » ou de « conflit », que vous considérez comme trompeuses. Pourriez-vous vous attarder sur ce point ?
Professeur Ilan Pappé : Oui. Je crois qu’en réalité, la question israélo-palestinienne n’est pas du tout « compliquée ». Convaincre le public que cette question était difficile à comprendre a été l’une des plus grandes victoires de la propagande israélienne depuis des années. Ce n’est pas un problème « compliqué », car il n’est pas unique. Nous avons d’autres cas historiques de personnes fuyant l’Europe qui ont colonisé d’autres territoires dans le monde. Et dans tous ces endroits, les peuples qui ont été colonisés ont dû lutter contre la colonisation. Ainsi, à bien des égards, la question israélo-palestinienne est historiquement classifiable et devrait nous sembler familière, mais la propagande israélienne tente de nous convaincre qu’elle est très compliquée et que les gens de l’extérieur ne peuvent pas la comprendre.
Je voudrais ajouter que le fait que jusqu’à aujourd’hui la plupart des gens en Occident n’ont pas reconnu ce qui s’est passé en Palestine comme un acte de colonisation et n’ont pas identifié la résistance palestinienne comme un acte d’anticolonialisme a rendu la question palestinienne très compliquée à leurs yeux. Si l’on ne s’intéresse pas à l’affrontement entre le projet colonial israélien et la rébellion anticoloniale palestinienne, toute la question apparaît très compliquée. Je pense qu’il est très important de comprendre que la plupart des gens qui ont le pouvoir dans le Nord global et qui peuvent changer la réalité sur le terrain ne reconnaissent pas la situation telle que je l’ai décrite et la décrivent plutôt comme un conflit entre deux mouvements nationaux difficile à résoudre. Mais cette description n’est pas vraie et a été la base de toutes les négociations de paix, qui pour cette raison ont échoué.
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[Q3] Quel est le rapport politique et culturel entre la naissance du mouvement sioniste et le contexte impérialiste, colonialiste et raciste européen de la fin du XIXe siècle ?
Professeur Ilan Pappé : Il est très important de comprendre que des projets comme celui du sionisme, c’est-à-dire, comme je l’ai dit auparavant, des projets de réfugiés d’Europe qui tentent de se construire un nouvel avenir en colonisant d’autres pays, ne peuvent pas réussir sans le soutien d’un empire colonial et sans une convergence d’intérêts avec lui. Le projet sioniste, l’idée de transformer la Palestine en un État juif, a servi les intérêts de l’Empire britannique pendant une certaine période, au moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, lorsque ce dernier a voulu s’approprier le plus de territoires possible de l’Empire turco-ottoman, vaincu lors de la Première Guerre mondiale. La convergence est donc d’abord stratégique : les intérêts de l’Empire britannique et ceux du projet colonial-sioniste se rencontrent au même moment historique.
J’ajoute que la même chose s’est produite avec de nombreux autres projets colonialistes soutenus par l’Empire britannique, par exemple aux États-Unis ou en Afrique du Sud. Cependant, à un certain moment, les intérêts de l’empire colonial et ceux des colons n’étaient plus les mêmes et un conflit se produisit. C’est ainsi qu’a éclaté la guerre d’indépendance étasunienne, c’est ainsi que les colons blancs d’Afrique du Sud ont combattu les Anglais et c’est ainsi que les colons juifs de Palestine ont également combattu les Anglais alors qu’en fait, les intérêts n’étaient plus les mêmes. Mais un projet de ce genre a toujours besoin du soutien impérialiste, donc le soutien britannique après la création de l’État d’Israël a été remplacé par le soutien impérialiste étasunien.
Je voudrais juste ajouter que votre question a correctement évoqué la question du racisme ; en effet c’est sur cette base idéologique que la convergence du soutien impérialiste avec le projet colonialiste a été possible. Un lien qui avait un arrière-plan très profond, car ce type de racisme permet à la fois à l’empire colonial britannique (et ensuite à l’impérialisme étasunien), et aux colons eux-mêmes de déshumaniser totalement les populations autochtones et d’ignorer totalement leurs aspirations. Le racisme représente alors le point de rencontre entre l’empire (la Grande-Bretagne ou les États-Unis) et le projet sioniste des colons (et par la suite l’État d’Israël).
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Colonialisme et décolonisation en Palestine.
Une interview de l’historien israélien Ilan Pappépardem.org
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toomanypancakes
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