Pesticides : le gouvernement accusé de « bloquer » une étude révélant une surimprégnation des enfants près des vignes


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Les associations Générations futures, France Nature Environnement (FNE) et Alerte des médecins sur les pesticides accusent le gouvernement de « bloquer » la publication des résultats d’une étude très attendue sur l’exposition aux pesticides des personnes vivant en zone viticole (PestiRiv). « Les données de PestiRiv seraient-elles si dérangeantes qu’il faille les retirer du débat au moment du passage en force de la proposition de loi Duplomb ? », interroge Pierre-Michel Périnaud, d’Alerte des médecins sur les pesticides. De son côté, le député (Les Ecologistes) de Gironde, Nicolas Thierry, a écrit, mardi 24 juin, aux ministres de la santé et de la transition écologique pour déplorer une « absence de publication » qui « suscite une incompréhension légitime ».
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Lors d’une conférence de presse organisée mardi, les trois organisations ont demandé la « publication immédiate » des données afin d’« éclairer les débats » qui doivent désormais se tenir en commission mixte paritaire, lundi 30 juin, après le rejet du texte controversé – qui prévoit notamment d’autoriser de nouveau des pesticides interdits – à l’Assemblée nationale. Elles envisagent de recourir à la voie judiciaire et à une action en référé si ce n’est pas le cas.

Selon nos informations, les données issues de ces travaux apparaissent « très préoccupantes » aux experts qui les ont examinées. Elles montrent, de source proche de l’expertise, une « surimprégnation des riverains, et en particulier des enfants, à certaines molécules ». Les termes de la présentation de ces nouvelles données au public ne sont pas encore arrêtés, dit-on de même source.
Levée de boucliers

Confiée à Santé publique France (SPF) et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), l’étude devait initialement être rendue publique en 2024. Les autorités évoquent désormais une publication à l’automne 2025. D’après les associations, qui ont participé au comité de suivi de PestiRiv, les comités d’experts de SPF et de l’Anses ont chacun rendu leurs conclusions scientifiques « depuis plusieurs semaines ». Interrogée, SPF plaide un simple retard ; à l’Anses, on assure que la finalisation des avis conjoints des deux agences n’est pas achevée. De son côté, la direction générale de la santé (DGS) n’a pas répondu à nos sollicitations.

Environ 4 % de la population réside à moins de 200 mètres de viticultures, selon SPF. Or les régions viticoles, si elles ne représentent qu’un peu plus de 3 % de la surface agricole utile française, concentrent environ 20 % des pesticides utilisés dans l’Hexagone. L’étude PestiRiv a été menée sur le terrain dans six régions : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Elle s’est déroulée sur deux périodes : entre octobre 2021 et février 2022, lorsque les traitements des vignes avec des pesticides sont moins fréquents, et entre mars et août 2022, en pleine période de traitements. Des prélèvements (urine, cheveux) ont été effectués auprès de 3 350 participants tirés au sort. La cohorte était constituée d’adultes (18 à 79 ans) et d’enfants de plus de 3 ans vivant dans des zones viticoles (à moins de 500 mètres et à plus de 1 000 mètres d’autres cultures) et des zones éloignées de toute culture (plus de 1 000 mètres).
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Dès son lancement, en octobre 2021, PestiRiv avait suscité une levée de boucliers dans le monde du vin et en particulier des représentants des vins de Bordeaux. Après la révélation d’un cluster de cancers d’enfants à Preignac (Gironde) et des cas d’intoxication aux pesticides au sein d’une école de Villeneuve-de-Blaye, dans le même département, la DGS avait saisi SPF, en 2016, afin de mener une étude épidémiologique sur les liens entre l’exposition aux pesticides et la survenue de cancers pédiatriques dans les zones viticoles.

En octobre 2023, une équipe française avait rendu un premier volet de cette enquête en établissant pour la première fois une relation entre la densité de vignes présentes autour du domicile et un risque accru de cancer du sang pédiatrique. Ces travaux, publiés dans la revue Environmental Health Perspectives, révèlent qu’une augmentation de 10 % des surfaces de vignes dans un rayon d’un kilomètre autour du lieu de résidence élève de 5 % à 10 % le risque de contracter une leucémie aiguë lymphoblastique pour l’enfant.
Période de recherche d’économies

Cette nouvelle polémique survient dans un contexte de pressions politiques plus fortes que jamais sur l’expertise publique. La proposition de loi Duplomb menace directement l’autonomie de l’Anses. En effet, elle prévoit un droit de regard des ministères et des industriels sur le processus des demandes d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, par le biais d’un comité d’orientation réunissant notamment des représentants du monde agricole et des fabricants de pesticides, qui pourrait prioriser le calendrier d’instruction de l’agence.

Pour sa part, SPF fait l’objet d’un contrôle de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), mandatée par le gouvernement pour « dresser un état des lieux des différentes missions conduites par SPF et des moyens humains, financiers, techniques qui y sont consacrés ». Dans une période de recherche d’économies, le contrôle de l’IGAS soulève les plus grandes inquiétudes au sein de l’agence.

Selon nos informations, plusieurs scénarios sont d’ores et déjà prêts et doivent être soumis à la ministre du travail et de la santé, Catherine Vautrin, au début du mois de juillet : ils vont d’une réorganisation interne profonde à un démantèlement de SPF, dont les missions seraient réparties dans d’autres agences ou administrations. Pour l’heure, les personnels n’ont pas été tenus informés de l’état des propositions de l’IGAS. L’arbitrage est attendu pour septembre, à peu près au moment où les résultats PestiRiv devront être rendus publics.

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