Anice Lajnef sur Telegram
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Le plan de Trump et des spéculateurs de Wall Street ne se passe pas comme prévu
En temps normal, quand il y a des turbulences sur les marchés, le dollar et l’or sont considérés comme des valeurs refuge. C’est-à-dire que les investisseurs se tournent vers eux pour se protéger de l’instabilité.
Prenons le cas du dollar : dans un contexte incertain, les investisseurs préfèrent acheter des dollars pour ne pas être exposés à des monnaies plus faibles, plus volatiles, ou plus risquées. Donc le cours du dollar monte par rapport aux autres devises.
En parallèle, quand les marchés sentent qu’une récession approche, ils anticipent que la Fed (la banque centrale américaine) va baisser ses taux d’intérêt pour relancer l’économie. Car quand les taux baissent, emprunter coûte moins cher, et cela peut stimuler l’activité.
Il faut comprendre que la Fed maîtrise complètement les taux à très court terme, mais pas les taux longs, comme ceux à 10 ou 30 ans. Ces derniers sont décidés par le marché, en fonction de l’offre et de la demande. Toutefois, quand la Fed baisse les taux courts, cela pousse souvent aussi les taux longs à baisser.
Depuis 2008, la Fed est même intervenue plus directement : elle rachète des obligations d’État américaines pour faire baisser les taux. C’est ce qu’on appelle le Quantitative Easing – un nom savant pour dire que la Fed crée d’énormes quantités de dollars pour acheter la dette publique des États-Unis.
Ce scénario (turbulence sur les marchés, baisse des taux par la Fed, achats massifs d’obligations) a été anticipé par les investisseurs, et sûrement même par Trump qui a initié ces turbulences par la guerre commerciale lancée contre les partenaires commerciaux des États-Unis.
Au début, tout s’est passé comme prévu. Mais ensuite, les taux longs américains sont remontés violemment, ce qui a contredit les paris faits par les conseillers de Trump et les spéculateurs (dont Howard Lutnick de Cantor/BGC est les 2 à la fois). Et ces paris des spéculateurs portaient sur un sujet extrêmement sensible : la dette publique des États-Unis.
Pourquoi ce retournement ? Voici quelques éléments de réponse :
Cette fois, les dirigeants américains sont perçus comme imprévisibles. Les marchés ont peur. Acheter des dollars devient moins attrayant.
Qui a envie d’acheter des obligations américaines à long terme quand on a à faire à un président orgueilleux, agressif, qui se comporte en bully vis-à-vis du reste du monde ?
Trump est tellement instable que, désormais, la probabilité qu’il annonce un jour à la Chine, au Japon ou aux pays du Golfe qu’ils ne seront pas remboursés n’est plus considérée comme nulle.
Et justement, la Chine, attaquée frontalement par Trump, a vraisemblablement commencé à vendre ses obligations américaines, comme l’a fait la Russie il y a une dizaine d’années. Or, quand un acteur vend massivement des obligations, leur prix baisse, et les taux d’emprunt à 10 ou 30 ans montent mécaniquement.
Enfin, il faut ajouter que beaucoup d’investisseurs avaient spéculé sur la dette américaine via une stratégie appelée basis trade, avec des effets de levier allant jusqu’à 200. Aujourd’hui, ils subissent des appels de marge, c’est-à-dire qu’ils sont obligés de remettre de l’argent sur la table ou de liquider leurs positions à perte.
Et surtout, un problème structurel émerge : si les taux ne baissent pas rapidement, les États-Unis sont exposés. Car le pays accumule un déficit budgétaire gigantesque, une dette publique colossale, qu’il faut sans cesse refinancer. Cela signifie emprunter à nouveau pour rembourser les échéances précédentes. Si les taux restent élevés, le coût du refinancement devient très lourd à supporter.
Conclusion : rien ne se déroule comme prévu, ni pour Trump, ni pour les spéculateurs de Wall Street.
Emmanuel Florac
in reply to Emmanuel Florac • • •Le monde semble moins impressionné par les États-Unis, et le dollar perd progressivement son statut de valeur refuge. Cette situation inédite introduit une incertitude profonde, et les marchés redoutent l’incertitude.
Mais au-delà de cette conjoncture, il faut comprendre une chose : dans une économie fondée sur l’usure, on peut toujours repousser les problèmes à plus tard, via la dette ou l’impression monétaire. Mais cela a un coût : rendre le système plus complexe, plus fragile, et faire en sorte que l’ajustement final, s’il arrive, soit d’autant plus brutal. Tant qu’on ne sort pas de cette logique, chaque crise risque d’être plus violente que la précédente.
A.L., vendredi 11 avril